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Khawla Tayar

Less than 1 minute Minutes

Nous pouvons rester neutres envers tout ce qui ne nous concerne pas…
Nous prétendons avoir la capacité d’analyser et de tirer des conclusions. Nous parlons adroitement d’humanité et de compassion envers les autres, mais si on vous donnait le choix entre la mort de vos propres enfants et la mort d’autrui qui vous sont inconnus ?! !!
Voilà une question terrifiante et difficile à laquelle l’humanité est confrontée!!..

En 2013, ma ville natale Raqqa, qui est un gouvernorat du centre-nord de la Syrie située sur la rive nord de l’Euphrate, a été libérée (du moins c’est ce que nous croyions) du régime de Bachar Al-Assad , et comme d’habitude, tout ce qui échappait au contrôl du régime était bombardé par ses barils et ses avions afin de raser tout ce qui restait!

“Un hélicoptère vaut mieux pour nous qu’un Sukhoi”, voilà ce que m’a dit ma fille de neuf ans !! Quelle atroce douleur quand un enfant choisit par quel avion il préfère être bombardé !! Je lui ai demandé pourquoi ? Elle m’a répondu : Parce que le Sukhoi frappe directement et ne nous donne pas l’occasion de se dire au revoir, alors que l’hélicoptère nous l’entendons passer à cause de son bruit… il vole dans nos cieux… nous le suivons du regard…pourtant il fait la même chose…”
donc s’il allait vers la droite, la gauche serait notre refuge, et s’il allait vers le nord, ce serait vers la droite que nous fuirions.
En quelques minutes, l’avion décharge sa cargaison de barils et d’obus, diffusant partout une odeur de mort.

Imaginez… que ce n’est qu’à ce moment-là que vous pouvez vous reposer… !! C’est quand vous savez que ce sont les enfants d’un autre qui sont morts.. et que le toit détruit de la maison n’est pas le vôtre…Les nouvelles circulent sur quelles rues ont été bombardées et quels bâtiments ont été détruits, et ces nouvelles font pleurer tout un peuple d’une ville endormie au bord de l’Euphrate. D’un peuple réveillé par ces avions, réveillé par une brutalité que personne n’avait déjà connue, réveillé pour pleurer dans les rues de ses souvenirs, pour pleurer une liberté dont il rêvait mais qu’il n’a jamais obtenue.

Les avions quittent les lieux en extase après avoir violé la “fiancée de l’Euphrate”* (un adjectif qui désigne la ville de Raqqa), en promettant de revenir le lendemain matin pour tout recommencer, en oubliant la tendresse et la douceur de cette ville, en oubliant qu’elle se lave à l’eau pure et se coiffe par les mains de ses enfants….
C’est à cela que ressemble la mort dans mon pays. C’est ce que nous avons vécu. Oui, ce sont des expériences personnelles de la mort, mais ce sont les expériences d’un pays qui meurt toujours, qui meurt tous les jours.

Et la mort a le dernier mot* ….. (une expression de l’arabe)
Khawla Tayar