H. Hammoud, Berlin
06.07.2023
Samar,
Lorsque l’abîme t’a fait disparaître, Damas gémissait en criant pour une nouvelle voix, une voix qui briserait le seuil sacré d’une de leurs forteresses.
À cette époque, j’étais encore à Damas, tâtonnant un chemin inconnu dont je ne connaissais qu’une seule caractéristique : l’exode.
En cette année 2013, au milieu des cris et du flot de sang, deux nouvelles se sont répandues : l’une annonçait l’arrestation de ma sœur Mayssa par les gardiens de ceux qui menaçaient de brûler le pays, et l’autre annonçait l’enlèvement de mon autre sœur, Samar, cette fois par les gardiens qui avaient juré de brûler ceux qui menaçaient de brûler le pays. Et les voilà, les deux antagonistes s’échangeant les missions incendiaires. On a entendu dire que ces deux sœurs résumaient à elles seules la réalité de ce pays.
Quant à Mayssa, c’est en France qu’elle a écrit sa liberté, et quant à toi, Samar, après ces longues années d’absence, nous t’attendons toujours pour t’écrire des lettres qui rendront justice à ta liberté.
Samar, cette absence, n’est qu’un autre type d’exode, teinté cette fois de couleurs noires dont tu m’avais parlé un jour parce qu’elles avaient commencé à envahir les environs d’Alep. Et les voilà, ces mêmes couleurs que certains nous poussaient à vénérer, t’ont poussée vers le grand exode.
Le mot « exode », Samar, a un grand poids historique. Il était autrefois associé aux peuples nés et ayant vécu pour l’exode. Même un de leurs livres sacrés porte ce mot comme titre… Aujourd’hui, le pays que tu rêvais un jour de libérer est submergé par l’exode. Des milliers de personnes ont été enlevées, et toi parmi elles. Ta disparition, Samar, a laissé de nombreux cœurs brisés, et pourtant toujours enveloppés d’un espoir en attendant d’entendre ta voix, remplissant la maison avec maman et notre reine d’épis de blé, Racha.
Samar, il ne me reste plus qu’à exprimer mon grand espoir en la fin proche de ce grand exode. La délivrance de ces couleurs sombres qui t’ont enlevé ta jeunesse et t’ont forcée à un exil dont nous ne connaissons toujours pas la finalité.
En espérant ton retour.
A toi Samar, tout mon amour.