Lorsque je parle de Samar, j’ai l’impression d’être dans les airs, parce que Samar était tel un oiseau qui gazouillait tout le temps d’une belle voix.
Le 13 août 2013, Samar et Mohammad Al-Omr sont venus me voir en me demandant s’il était possible de préparer un repas pour inviter leurs amis.
Je leur ai répondu joyeusement en m’adressant à Samar: “je ferai tout ce que tu voudras.” Je suis partie faire les courses et me suis lancée dans les préparatifs pendant que Samar se préparait avant l’arrivée des invités. Au final, une seule personne a répondu présente, mais nous avons passé de très bons moments ensemble.
Après le repas, Samar m’a demandé d’aller chez un glacier pour le dessert. Je ne voulais vraiment pas qu’elle y aille, j’avais le cœur serré par la peur qu’il lui arrive quelque chose pendant son séjour en Syrie, surtout qu’un groupe de Daech s’était installé dans notre ville et les villages aux alentours.
Elle insistait: “Allez maman, s’il te plaît, allons manger une glace.”
Après de nombreuses protestations de ma part j’ai cédé, et nous sommes partis.
Sur le trajet du retour, nous étions avec mon frère et son époux, Samar, son ami Mohammad et moi même. Elle s’est arrêtée au milieu de la route en me disant : “j’ai tant de bons souvenirs ici, maman. C’est toute mon enfance.”
Je l’ai dépêchée d’avancer tellement j’avais peur qu’il lui arrive quelque chose.
Je ne me souviens plus pourquoi à un moment elle a voulu qu’on prenne une autre rue. En avançant, nous avons vu une maison détruite suite au bombardement du régime sur la région.
Elle a tout de suite demandé à Mohmmad de sortir son appareil photo pour prendre les photos.
Dans cette maison, il y avait un enfant handicapé. Sans réfléchir, Samar a couru le voir et l’a pris dans ses bras, tandis que je lui demandais de se dépêcher.
C’est à ce moment-là que trois véhicules de combattants de Daech sont apparus et nous ont encerclés. Deux hommes habillés en civil se sont également joints aux véhicules. Ils étaient tous cagoulés et armés. L’un d’eux a mis son revolver sur la tête de Samar en la tenant par les cheveux avec sa main libre, et l’autre a braqué le sien sur Mohammad. Je savais que ma fille avait très mal au dos ces derniers jours.
Et c’est ainsi qu’ils les ont forcés à monter dans leurs véhicules, Samar en la tirant par les cheveux, et Mohammad par le col de sa chemise, ignorant nos hurlements, mon frère et moi. Ils ont démarré en vitesse et sont partis.
Nous nous sommes dirigés en courant vers le centre de sécurité de notre ville, Al Atareb, puis vers celui de la ville d’à côté, sans que personne ne vienne nous aider.
Depuis ce jour, chaque fois que je me réveille de mon sommeil agité, j’ai l’espoir de les voir là, devant moi, Samar et Mohammad, si Dieu le veut.
Mouna, la maman de Samar.