Certains événements nous marquent à jamais. J’ai rencontré Samar grâce à mon amitié avec son père, Ahmad. J’ai été impressionné par tous les membres de cette famille. J’ai toujours admiré la relation d’Ahmad avec son épouse et leurs filles.Chacune de ses filles avait son caractère et son propre mode de vie. En tant que père de famille, Ahmad n’a jamais été opposé à l’indépendance de ses filles.
Lors de mes visites chez eux, j’adorais suivre leurs conversations, leurs façons de faire. J’aimais les écouter parler de leurs ambitions, de leurs rêves. J’appréciais particulièrement mes discussions avec Samar, qui exprimait toujours ses opinions avec audace et spontanéité.
En 2012, au tout début de la révolution, j’ai déménagé au Caire. Je suis resté en contact avec mes amis grâce aux réseaux sociaux. Je suivais la vie de Samar sur Facebook ; elle aussi avait déménagé au Caire pour continuer ses études.
Un jour, j’ai lu un post d’elle où elle exprimait des difficultés quotidiennes. Je l’ai contactée directement par peur qu’elle traverse des difficultés financières, mais ce n’était pas le cas. Samar en a profité pour prendre de mes nouvelles et s’est particulièrement intéressée à la qualité de mes repas. Elle m’a alors proposé de goûter la cuisine d’une dame syrienne installée au Caire, qui cuisinait à un prix raisonnable.
J’ai accepté la proposition volontiers et on s’est donné rendez-vous quelques jours plus tard.
Nous nous sommes retrouvés dans le quartier de Zamalek, près de l’avenue principale. Elle était accompagnée d’une de ses connaissances et avait apporté le délicieux repas. Nous avons discuté en nous promenant, et elle m’a confié son envie de retourner à Alep. Cependant, je lui ai fortement déconseillé, lui rappelant l’importance de terminer son année de master ici. Malheureusement, elle a décidé de retourner là-bas. Je pense qu’elle avait besoin d’être au plus près de la révolution. Mais ce retour s’est très mal passé : j’ai appris qu’elle avait été enlevée et qu’on avait perdu toute trace d’elle.
Son enlèvement m’a anéanti. Pourtant, j’avais l’espoir qu’elle reviendrait malgré les années qui passaient. Aujourd’hui, après dix ans d’attente depuis ce jour maudit, je me rends compte de la naïveté de mes espoirs.
L’écrivain Nihad Sirees.